Jacques Braunstein, Technikart, 1999

L’homme du mois : Benoît Duteurtre

Il est l’homme le plus détesté de Paris

Benoît Duteurtre ? « Pétasse mondaine du VIe arrondissement » , d’après Guillaume Dustan. Benoît Duteurtre fasciste, pour le Monde ou les Perpendiculaires. On se demande d’où vient ce pouvoir étonnant qu’a Benoît Duteurtre de se faire détester. Est-ce le fait d’être publié chez Gallimard, et d’apparaître ainsi en bonne place dans les librairies ou sur les plateaux télé ? Ou est-ce plutôt qu’il exerce un office que la morale contemporaine réprouve : caricaturiste, quelque part entre Alphonse Allais et Tom Wolfe. Parfois son humour fait mouche (quand il décrit une soirée d’intellectuels bourgeois bien-pensants), parfois transparaît une naïveté un peu surannée (quand il explique la formation des mots en verlan, par exemple). Son nouveau roman, les Malentendus, ne va pas arranger son cas.

Martin, un jeune diplômé plein de bonnes intentions, doute de ses convictions antiracistes après s’être fait agresser par des jeunes de banlieue. « J’ai tenté de décrire l’étrange mélange d’inconscience et de bonne conscience qui caractérise notre société. C’est-à-dire que le discours moral, de plus en plus envahissant sur tous les sujets, se développe au détriment de la critique sociale. » Ailleurs, pris dans une ronde de causalité et de rebondissements plus ou moins comiques, Karim, un beur, et son cousin Rachid, sans papier, s’aperçoivent que leurs intérêts divergent radicalement. « Ces configurations me sont apparues nettement en écrivant ce roman. Non comme des théories appliquées, mais comme des éléments littéraires : les décors d’une comédie contemporaine, les images étranges – à la fois inquiétantes et bizarrement comiques – du monde dans lesquels nous vivons. »

Les Malentendus, roman au titre quasi psychanalytique, lui vaudra sans doute encore les foudres d’une certaine intelligentsia. Mais, dans le fond, ce qu’on lui reproche, ce sont les positions sur l’art qu’il a défendues dans son essai Requiem pour une avant-garde. « J’ai dit que Godard, Boulez ou Robbe-Grillet me rasaient. Moi, j’aime vraiment l’art moderne, donc je préfère Fellini, Ligeti ou Gombrowicz. Et ce n’est pas l’esprit de gauche qui m’a répondu. C’est la forteresse, avec sa vielle rhétorique stalinienne : vous nous remettez en question, donc vous êtes un ennemi de la gauche ó donc de la modernité, donc un réactionnaire, donc un fasciste! Mais je garde ma ligne : pour la liberté de pensée, la liberté de mœurs, la liberté critique, la dépénalisation des drogues, le droit de rire de tout, contre les religions, la famille et une société qui produit du racisme et de la violence. »

On lui fait remarquer que cela ne l’empêche pas d’être aujourd’hui plus défendu par le Fig mag que par Libé. Il hausse les épaules en signe d’impuissance. Avant d’ajouter, mi-roublard, mi-naïf, « Les modernes ont toujours fait scandale, peut-être que c’est en ça que je suis moderne.»

Jacques Braunstein 

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