Benoît Duteurtre, Le retour du Général, Jean-Claude Perrier, Livre hebdo , 10 mars 2010

Faisons un rêve
Benoît Duteurtre, Le retour du Général, Jean-Claude Perrier, Livre hebdo , 10 mars 2010
Le facétieux Benoît Duteurtre imagine une fable politique dont de Gaulle est le héros.

 

Après avoir joliment évoqué, dans Les pieds dans l’eau (paru chez Fayard en 2008), le Président Coty dont il est l’arrière petit-fils, voici Benoît Duteurtre qui met sa plume au service de De Gaulle, sous la présidence duquel il est né. Et dont on sent bien, à le lire, qu’il lui voue une fervente admiration. Comme la plupart des Français, d’ailleurs, lorsqu’ils réfléchissent et comparent au Général les successeurs qui se réclament de lui et de ses idées, alors que tous leurs actes, leur comportement même, démontrent le contraire. Un jour, l’écrivain, ulcéré parce qu’on lui a servi dans un bistro de son quartier un « œuf mayo » avec de la mayonnaise industrielle, réglementation européenne oblige, fait un doux rêve. D’abord, il se voit en paladin de l’œuf mayo et, partant de toute la tradition française, face à la pieuvre technocratique bruxelloise. Thème porteur, qui rallie à sa croisade l’opinion publique. Et ne voilà-t-il pas que le mouvement s’amplifie, et déclenche, en quelque sorte, « le retour du Général »>!

Un soir, à la télévision, et en noir et blanc comme au bon vieux temps de l’ORTF, de Gaulle, piratant les ondes, lance, soixante-dix ans après Londres et à 120 ans carillonnés, un nouvel Appel. 11 exhorte ses « chers compatriotes » à la NRF, la « Nouvelle Révolution Française », et prône un certain nombre de mesures d’urgence afin de redresser le pays, de lutter contre la « chienlit». Et ça marche. Le peuple suit. Le locataire de l’Elysée et son gouvernement décampent bravement vers Bruxelles. Pendant ce temps, le nouveau président renationalise, fait sortir la France de l’Otan, roule en DS et refuse tout émolument. Toute ressemblance, etc. Mais il n’est pas rétro, il a pris en compte les quarante ans écoulés depuis son « retrait »: il légalise les drogues douces, encourage les Gaullistes Gays, inscrit à notre calendrier les fêtes juives et musulmanes et lance résolument : « Vive le rap français libre ! » Tout ça dure trois ans, mais c’était trop beau. Torpillé par un complot américano-bruxellois, chassé du pouvoir par l’armée européenne, de Gaulle se retire à nouveau. On ne sait où. Mais pas question d’aller mourir au pied de la croix de Lorraine de Colombey, qu’il déteste: « Un hideux monument édifié contre ma volonté. » Vingt ans plus tard, il racontera son histoire, incognito, à des petits Français, et l’écrivain Benoît Duteurtre, septuagénaire, sera son dernier fidèle. La fable est aussi brillante qu’évidente, la satire intelligente et salutaire, le style enlevé. Ce nouveau Duteurtre est un excellent remède contre la démagogie, la bêtise et le n’importe-quoi ambiants, qui invite, sans grandiloquence ni ringardise, à revenir à un certain nombre de valeurs et de fondamentaux, incarnés, au regard de l’Histoire, par le général de Gaulle.
Comme son héros, Duteurtre nous a compris.

Jean-Claude Perrier

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