« Les Pieds dans l’eau » de Benoît Duteurtre par Bernard Quiriny dans Le Magazine littéraire n°478 de septembre 2008

« Les Pieds dans l’eau »

Par Bernard Quiriny dans Le Magazine littéraire n°478 de septembre 2008

Plus qu’un roman autobiographique, Les Pieds dans l’eau sont une chronique, celle de la fin de la grande bourgeoisie dans les années 1960, quand le capitalisme emporte les derniers vestiges du XIXe siècle, ses mœurs surannées, sa culture élitiste, ses conventions charmantes et son vieux fonds de conservatisme. Pour décrire ce changement d’ère, Duteurtre s’inspire de deux éléments de l’histoire familiale. Le premier, c’est René Coty, son arrière-grand-père, deuxième président de la ive République, homme d’État discret, honnête, cultivé, dernière incarnation du siècle précédent avant l’entrée du pays dans la modernité gaulliste puis pompidolienne. Le second, c’est Étretat, où les Coty possédaient une maison, l’archétype de la station balnéaire de la Belle Époque, désormais colonisée par le tourisme.

En mélangeant la mémoire familiale, la confession autobiographique et la chronique sociale merveilleuses analyses du comportement des baigneurs, du bon usage de la cabine de plage, de la conversation futile des grands-mères en maillot, Duteurtre capture de manière subtile et humoristique la disparition d’un monde, l’extinction d’une culture, d’un type social, presque d’une civilisation. Ce cénotaphe littéraire pour un art de vivre disparu oscille entre Rumba dans l’air la chanson de Souchon, Vacances de M. Hulot et références proustiennes, discrètes mais évidentes difficile de ne pas voir dans le chapitre « La mort de ma grand-mère » un clin d’œil au Côté de Guermantes. Dans les dernières pages, splendides, le romancier fait finalement justice des accusations lancées depuis toujours contre cette bourgeoisie convenable et civilisée dont la prétendue hypocrisie était en réalité une pudeur, les habitudes monotones une manière d’exorciser le passage du temps, les conventions rigoureuses une solution pour « rendre l’existence intéressante comme un morceau de théâtre ».

 

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