Une histoire dont on retiendra les portraits touchants et cocasses et dans laquelle on suit l’apprentissage d’un garçon en train de tomber amoureux de la littérature
Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir eu un arrière-grand-père à l’Élysée. A la lecture de l’exquis Les pieds dans l’eau, ce n’est pas Benoît Duteurtre, descendant de René Coty (président de la République de 1954 à 1959 – et sujet de moqueries dans OSS 117 avec Jean Dujardin !), qui s’en plaindra. En 1948, l’illustre aïeul de l’écrivain (Prix Médicis 2001 pour Le voyage en France) avait fait l’acquisition d’une belle villa, La Ramée, aux abords d’Étretat – cette bourgade célèbre pour ses falaises de craie, particulièrement prisée des peintres. Cette demeure en plein pays de Caux est la source d’innombrables souvenirs pour Duteurtre, qui dépeint ici le quotidien d’une famille presque comme les autres, issue de la petite bourgeoisie du catholicisme social, et l’influence patriarcale des activités de René Coty sur la vie de tout ce petit monde. On retiendra les portraits touchants et cocasses des nombreuses cousines et, en pointillé, le roman d’apprentissage d’un garçon en train de tomber amoureux de la littérature. Il ne faudrait toutefois pas réduire Les pieds dans l’eau à une simple compilation – en courts chapitres – de réminiscences familiales (très proustiennes – après tout, la cité fictive Balbec se situe dans cette région). Mélancolique, un peu passéiste aussi, l’auteur en profite pour mettre en lumière les mutations de la seconde moitié du XXe siècle, égratignant au passage Mai 68 ou la laideur « bling-bling » (mais qu’a-t-on fait du beau casino ?) ou encore l’ultramatérialisme contemporain, qui ne réussira jamais à remplacer le plaisir tout simple d’être assis sur les galets d’une plage de Normandie… On en arrive même à se demander si, avec Les pieds dans l’eau, Benoît Duteurtre n’est pas ainsi devenu le meilleur ambassadeur des côtes normandes. Et ça n’a, pour le coup, vraiment rien d’injurieux !