« Tout doit disparaître » de Benoît Duteurtre par Jérôme Leroy dans Le Quotidien de Paris en 1992.

La soumission ou la mort

 

Le troisième roman de Benoît Duteurtre est incontestablement un roman d’apprentissage, ou plutôt de désapprentissage. Dans ce qui semble bien être une autobiographie à peine démarquée, Benoît Duteurtre raconte comment ayant renoncé à être le plus grand musicien de sa génération, il décida néanmoins d’être critique musical et de dévouer ainsi sa vie à l’art qui avait eu la cruauté de le refuser. Mais ce qu’il rêvait comme une sinécure intelligente se révèle être en fait une épuisante course du rat de magazine en magazine de cocktail en concert, de rédacteurs en chef qui ont toujours raison en critiques réputés qui ne savent plus que mépriser.

A l’arrivée,  » Tout doit disparaître «  apparaît comme un livre d’une incroyable dureté et d’une douloureuse amertume. Aucune aigreur pourtant chez Duteurtre, et il a bien du mérite, mais plutôt une intelligence qu’il faut supporter à la manière d’un handicap ou d’une tare. Car Duteurtre a compris quelques petites choses essentielles qu’il n’est pas bon de répéter : que la France contemporaine a remplacé les artistes par les intellectuels la création par un vernis de culture ; et que même une démocratie a un art officiel, une ligne esthétique que tous doivent accepter pour pouvoir survivre dans un tel marécage. La soumission ou la mort. Duteurtre n’a pas eu d’autre choix, et il n’en est pas particulièrement fier. Toute la beauté de son roman est dans cet aveu.

Jérôme Leroy

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