La Cité heureuse et Ma belle époque de Benoît Duteurtre.
En avant-propos de son recueil de chroniques, Ma belle époque, Benoît Duteurtre confie combien son époque le captive et l’obsède, au point d’envahir tous ses romans. « Alors, écrit-il, que nombre de mes bons amis progressistes en art, acquis par principe à toutes les avancées de leur temps, se montrent curieusement peu intéressés, dans leurs œuvres, par le monde qui les entoure, je n’ai quant à moi aucun autre sujet: montrer cette banalité que nous avons sous les yeux et qu’on finit par ne plus savoir regarder, la mettre en lumière dans son comique, sa poésie, son ridicule parfois. »
Son nouveau roman, la Cité heureuse, s’attaque aux diktats des modes de vie et de pensée actuels. Le narrateur, ex-contestataire progressiste, est un scénariste de télévision reconnu. Il habite une vieille ville européenne qui vient d’être rachetée par une compagnie de loisirs et privatisée sous le nom de Town Park. En contrepartie de certains avantages, les habitants doivent accepter de jouer les figurants en costumes du XIXe siècle et de participer à des activités festives… Très hostile à la transformation de sa ville en parc d’attractions commercial, il a fini par se laisser convaincre, moyennant un statut de VIP et un mécénat substantiel de la compagnie. Las, ce confort est précaire. Sa vision “caricaturale” et “réactionnaire” de la modernité déplaît à ses employeurs, sa femme se suicide, la maladie le frappe, le “meilleur des mondes” se révèle « un cauchemar climatisé ». Sans aigreur ni méchanceté, avec une constante drôlerie, Benoît Duteurtre met en scène et tourne en dérision un univers et une société qui sont les nôtres.
Bruno de Cessole
Fayard, 282 pages, 18€ et Bartillat, 288 pages, 20€.