Benoît Duteurtre, Le voyage en France, Jean-Pierre Tison, Lire, septembre 2001

Quand deux croisades se croisent, qu’est-ce qu’elles se racontent ? Des histoires de croisement. Le premier de nos croisés est un étudiant new-yorkais qui s’est toujours fait une certaine idée de la France et qui, voyant ce qu’elle est devenue, voudrait bien la délivrer de l’influence exercée par ses compatriotes. Le second est un journaliste français, un peu flapi, partisan du Nouveau Monde car avide de sang neuf. Et ils se rencontrent par l’intervention de Benoît Duteurtre.

Son Voyage en France est une charge mélancolique qui tient du conte de fées, de la chronique, du reportage, de la farandole de caricatures, du recueil de souvenirs d’enfance. Entre autres scènes fortes: une cérémonie «catho new age» sponsorisée par un géant de la distribution, une soirée de créateuses, la visite d’une abbaye recyclée dans l’assemblage de PC et une balade dans la ZUP Monet, avec ses barres «Impressionnisme» et «Cathédrale de Rouen», dans la périphérie du Havre. L’auteur a ses racines dans cette ville, ce qui explique que son roman s’ouvre et se referme sur «Le jardin à Sainte-Adresse». Cette peinture, icône de la civilisation dont le jeune Américain a la nostalgie, appartient au Metropolitan Museum. Le chef-d’œuvre de Claude Monet reste donc au «cœur du monde» puisque c’est à Manhattan que se produisent le grouillement, l’ambition architecturale, l’invention artistique, bref le «caractère d’urgence» qui fit le génie de Paris.

Et, alors que le jeune New-Yorkais n’a reconnu qu’avec difficulté la France qui nourrissait ses rêves, le Français a immédiatement «l’impression familière» d’être chez lui en arrivant outre-Atlantique, grâce au «timbre du klaxon new-yorkais». Il écoute «cet avertisseur comme une voix maternelle venue des tréfonds de son enfance». Tout compte fait, le croisement de la culture française avec l’américaine a engendré plus de merveilles que de monstres.

Dommage, d’ailleurs, que le génie new-yorkais n’ait pas rayonné sur l’ensemble des États-Unis.

Jean-Pierre Tison

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