Le paradis, c’est l’enfer
Cette histoire se déroule sur terre et au ciel, chez les vivants et les morts.
Ici-bas, un grand dérèglement informatique sème la pagaille sur la planète. Le cloud se déchire comme un vulgaire cumulo-nimbus et l’orage détraque les messageries qui inondent les boîtes aux lettres de messages confidentiels. Votre patron apprend que vous voulez changer de boulot, votre voisin découvre que vous convoitez son appartement, votre femme s’aperçoit que vous êtes Tex de sa meilleure amie.
La confusion règne tout autant chez saint Pierre. Là-haut, les critères de sélection sont étonnants et la vie céleste désarçonne les candidats au bonheur éternel. Ad patres, les impétrants sont accueillis à des guichets sans âme ; pour se faire comprendre, chacun baragouine un sous-anglais de touristes. Annoncée sur des posters, la félicité promise aux heureux élus ressemble à un séjour all inclusive dans un ennuyeux trois étoiles sous les tropiques.
Avant le numérique
Entre la calamité technologique qui punit le monde des vivants et la vacuité des promesses du paradis, il ne reste que l’enfer. Dans le nouveau roman de Benoît Duteurtre (prix Médicis 2001 pour Le Voyage en France), les damnés n’y sont pas voués aux flammes et aux châtiments. En guise de ténèbres, ils retrouvent un quotidien paisible, débarrassé des affres de la mondialisation ; un endroit qui ressemble à une Belle Époque d’avant la révolution numérique. Le personnage central en fait la délicieuse expérience. Ses derniers jours sur terre et ses premiers pas au ciel sont racontés dans un style savoureux, une fantaisie pacifique qui fait passer de vie à trépas l’uniformité et la monotonie du village planétaire.
Jean-Marc Thiébaut