Benoît Duteurtre, À nous deux Paris ! , Jérôme Garcin, 2013

FUNKY DUTEURTRE

 

En quelques mois, avec l’arrogance des timides contrariés, il avait adopté les postures du jeune Parisien branché. En blouson de cuir, des lunettes noires sur un nez blanc de poudre, il tutoyait des vedettes décaties au Palace et sa fiole de whisky aux Bains Douches, pour s’offrir ensuite des garçons au « marché de lapins » de la rue Sainte-Anne. Il se la jouait punk, accompagnait au piano une chanteuse foldingue dans un club des Halles et attendait, tel le Messie, l’élection de Mitterrand. « Actuel » était sa Bible et Warhol, son dieu. C’était au début des années 1980 et Jérôme Demortelle avait à peine 20 ans. Comme son héros, qui lui « ressemble comme un frère », Benoît Duteurtre arrivait à cet âge-là, cette année-là, de sa Haute-Normandie, après avoir promis à ses parents bourgeois qu’il suivrait des études d’histoire de l’art à la Sorbonne et dormirait sagement dans l’appartement de grand-maman. En fait d’université, il découvrit la coke, assuma son homosexualité, fit sa révolution musicale, passant du sérialisme à la new wave et de Ravel à Philippe Glass. Après « les Pieds dans d’eau » et « l’Été 76 », le néo-balzacien Duteurtre poursuit son autobiographie romancée et restaure, avec des couleurs plus crues, un trait plus net, son tout premier roman, « Sommeil perdu » (Grasset, 1985), dont la bande rouge portait déjà l’apostrophe de Rastignac : «À nous deux, Paris !» Pari gagné, depuis.

Jérome Garcin

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