ENTRÉES LIBRES
UN HOMME, UNE VOIX
BENOÎT DUTEURTRE LE MARTYRE DU PIÉTON DE PARIS
Amoureux fou de la capitale, l’écrivain se fend d’un libelle contre Anne Hidalgo, accusée de saccager la ville et de pourrir délibérément le quotidien de ceux qui y vivent.
Benoît Duteurtre n’a pas le caractère d’un bretteur. Mais il est très énervé par ce que la reine maire de Paris fait de sa ville. Étant écrivain, il se bat avec ses armes et a donc écrit un livre de colère dont Mme Hidalgo devrait tenir compte car la littérature l’emporte souvent, à la fin, sur la politique. Duteurtre a choisi le temps long de l’Histoire quand la maire de Paris défend un bilan de conjoncture électorale. Il faut espérer que le combat tournera à l’avantage de l’écrivain, qui s’appuie sur la mémoire d’une ville qui en a vu d’autres au cours de quelque vingt siècles d’existence.
Attablé dans une brasserie de la gare de l’Est, Duteurtre explique les raisons pour lesquelles il fuit la capitale dès que possible. Il ne comprend pas pourquoi on l’empêche de déambuler dans les rues, à la façon de Fargue ou d’Aragon, le regard bercé par la fausse monotonie des toitures, la fantaisie des façades, la poésie des devantures de commerces. Car cette occupation inoffensive est devenue impraticable du fait des perpétuels travaux de réaménagement de la voirie, du surcroît de bruit et de pollution qui en sont les conséquences – sans oublier les assauts continuels des vélos et trottinettes qui se sont accaparé les trottoirs au nom de la « mobilité douce ».
« Anne Hidalgo a inventé le communautarisme de la circulation en juxtaposant dans les rues une succession de couloirs pour les voitures, les bus, les deux-roues – les piétons étant toujours les victimes », dit-il. Sa philosophie, c’est : « Je vais vous faire du mal pour votre bien ! » Duteurtre est intarissable sur les autres aspects agressifs, absurdes ou ridicules de la politique d’Hidalgo: la propagande perpétuelle, la fête obligatoire, l’uniformisation des enseignes, le tourisme intensif. Mais il écrit avec le sourire de l’ironie : son essai est un pamphlet rieur, une charge espiègle, une offensive d’humour. Ce sont souvent les plus efficaces.
La phrase du livre à retenir (p. 135)
« Paris a besoin d’un maire aux ambitions limitées, attaché à sa ville et à son caractère plutôt qu’au sauvetage de l’humanité entière »
LES DENTS DE LA MAIRE, de Benoît Duteurtre, Fayard, 185 p., 18 €.