Benoît Duteurtre, La Rebelle, Martine Robert, Les Echos, 19 janvier 2005

Benoît Duteurtre : « Une ville inclassable »

 

Issu d’une prestigieuse lignée d’hommes politiques _ il est l’arrière-petit-fils du président René Coty et le petit-fils d’un député puis sénateur gaulliste havrais _, Benoît Duteurtre a choisi d’embrasser une carrière artistique. Né en 1960 à Sainte-Adresse, la commune résidentielle de la banlieue du Havre, il écrit ses premiers textes à quinze ans, avant d’entrer en 1977 en faculté de musicologie. Passionné de musique, il fait des stages chez Stockhausen, Xenakis et Ligeti. Cinq ans plus tard, il envoie quelques pages à Samuel Beckett, qui l’incite à publier sa première nouvelle. Il gagne sa vie en jouant du piano, en écrivant des articles pour « Le Monde de la musique « , « Diapason », « Elle », « La Vie », puis signe ses premiers romans et ses premières émissions sur France Musique en 1991. Prix de la nouvelle de l’Académie française en 1997 avec « Drôle de temps », puis prix Médicis en 2001 avec « Voyage en France », deux ouvrages publiés chez Gallimard dans lesquels sont évoqués Le Havre et ses alentours, Benoît Duteurtre, dont le dernier roman, « La Rebelle », a reçu un bon accueil de la critique, puise son inspiration sur la côte normande.

« J’habite une maison juste au-dessus de la mer, dans le pays de Caux, près du Havre. Depuis plus de quinze ans, j’y écris. Mes parents résident toujours au Havre, et j’évoque cette ville aux multiples facettes dans plusieurs de mes livres. J’affectionne particulièrement la période qui s’étend du milieu du XIXe au milieu du XXe siècle, quand Le Havre était un carrefour extraordinaire pour l’expansion commerciale maritime et un point de départ des paquebots transatlantiques. La ville était alors le port de Paris et fourmillait d’artistes en contact avec la haute bourgeoisie locale. Aujourd’hui, cette cité maritime détruite puis reconstruite, qui a subi le déclin de son port de voyageurs, peut paraître ingrate, grise, par jour de pluie ou de vent, mais elle garde néanmoins un côté bout du monde très attachant. Adolescent, je voulais la fuir ; au fur et à mesure que je m’en suis éloigné, j’ai compris mon attachement. Je l’apprécie pour son caractère unique, inclassable, pour ce mélange d’entrepôts, de hangars, de zones portuaires, d’immeubles, et pour sa plage immense au bord de laquelle la ville s’arrête brutalement. Ses faubourgs très longs m’évoquent Le Havre de la classe ouvrière, l’atmosphère de « Quai des brumes ». La ville a été plutôt bien aménagée, elle est plus vivante que par le passé, on a pris conscience de l’intérêt de son plan architectural monumental réalisé sous la houlette de Perret, de son côté grandiose. Elle m’évoque aussi certains quartiers des villes américaines, avec son découpage rectiligne. J’ai d’ailleurs en projet un ouvrage où je voudrais rapprocher mes rêveries sur Le Havre et New York. « 

 

Martine Robert @martiRD

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