Pourquoi j’adore Louis de Funès, par Benoit Duteurtre – Marianne – 27 janvier 2013

Pourquoi j’adore Louis de Funès, par Benoît Duteurtre

Disparu il y a trente ans, le 27 janvier 1983, Louis de Funès, le grand acteur comique était un héritier de Molière, sachant rendre sympathique un personnage odieux. Collaborateur régulier de Marianne, le romancier Benoît Duteurtre nous raconte sa passion pour l’acteur d’Hibernatus.

 

D’où vient votre amour pour Louis de Funès  ?

Tout d’abord, pour moi et ma génération, il y avait une espèce de provocation, même si notre goût était, et est toujours sincère. Je suis né en 1960, nous étions à la fin des années 70, et tous nos aînés gauchistes et soixante-huitards tenaient un discours assez conventionnel sur le divertissement et l’art populaires, censés aliéner le peuple. Nous étions gauchistes nous aussi, mais au lieu d’aimer Brecht nous aimions Louis de Funès. Et nous avons bien fait, car les cinéphiles les plus pointus ont par la suite reconnu que c’était un grand acteur.

Qu’a-t-il de particulier que les autres n’ont pas ?

Il fait partie des ces grands acteurs comiques qui plutôt que de jouer des rôles ont inventé un personnage, comme Buster Keaton ou Charlie Chaplin, une manière de jouer, de s’agiter, quelque chose de très clownesque. C’est ce qui le rend très populaire en France mais aussi à l’étranger. J’ai de nombreux amis, des Tunisiens par exemple issus des classes populaires, qui adorent Louis de Funès ! Et ce qui est assez fascinant et émouvant, c’est de voir comment il a fabriqué ce personnage, par un apprentissage long et difficile.

Ce qui me touche particulièrement, moi qui suis aussi musicien, c’est qu’une partie de ce cheminement s’est fait en partie avec des musiciens, notamment la troupe des Branquignols, avec son ami Gérard Calvi (le musicien des Branquignols, père du journaliste Yves Calvi) qui l’a présenté à l’animateur de la compagnie, Gérard Dhary. Avec eux, il a joué dans « Ah les belles bacchantes », « La grosse valse » (qui a servi de modèle à la série des « gendarmes »), et c’est en partie là qu’il s’est formé.
Un jour, son fils, Patrick de Funès, m’a emmené voir sa mère, qui vit toujours près du Palais Royal. Il m’a montré tous les articles qu’il découpait et qui parlaient de lui. Les choses ne sont pas arrivées du jour au lendemain.

Quel est finalement ce personnage qu’il a créé ?

Au fond, de Funès a aboli les frontières de la morale, et c’est ce qui est important en art, où l’on parle souvent d’engagement, alors que la nature humaine est complexe, multiple, et c’est ce que l’art doit rendre. Il a rendu sympathique un personnage extrêmement antipathique.

Le patron odieux qu’il incarne souvent, avec ses faiblesses, sa mauvaise foi et sa cruauté parfois, nous nous y retrouvons. C’est le contraire de l’art édifiant, et en cela c’est un véritable héritier de Molière, du Roman de Renart et de la commedia del arte.

Quels sont vos films préférés, et les regardes-vous encore ?

Bien sûr, très régulièrement. Ce sont rarement de grands films, car ils étaient avant tout faits sur mesure pour lui, et ce sont des films inégaux, mais avec des scènes absolument formidables. La première partie du « Grand restaurant » est magistrale, je peux citer tous les dialogues par cœur, « Oscar », « Hibernatus », évidemment « La grande vadrouille » et « Le corniaud », la série des « Fantômas » et des « Gendarmes ».

Très souvent, les scènes où il se retrouve en face à face avec Bernard Blier sont absolument géniales ! Et puis il ya aussi des rôles moins connus, où il montre qu’il sait jouer les gentils, comme « L’affaire Blaireau » d’Yves Robert, ou « Le bon vivant » de Georges Lautner. Je ne suis pas fan des derniers, comme « La soupe aux choux », en revanche mon ami Michel Houellebecq est absolument fan du « Gendarme et des gendarmettes » !

Propos recueillis par Vladimir de Gmeline

Pour aller plus loin, la biographie de référence Louis de Funès Grimaces et gloire par Bertrand Dicale,  Grasset

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