« Dénoncez-vous les uns les autres », de Benoît Duteurtre, Fayard, 250 p.,18 €.
Quel feu d’artifice dans cette sottie, dont Benoît Duteurtre donne la définition du Robert avant le premier chapitre… Nous sommes dans un futur proche. Pour inciter les gens à ne pas manger de viande, on les force à aller tuer leurs animaux de prédilection dans des « ateliers carnivores ». Il est interdit de dire « mademoiselle ». Le tri sélectif est devenu délirant, des codes-barres identifient les propriétaires des poubelles pour vérifier qu’ils font bien leur travail. Une « brigade rétroactive » fouille le passé des citoyens (textos, e-mails, réseaux sociaux) pour vérifier qu’ils n’ont rien fait de mal, car tout ou presque est devenu mal. Les personnages sont épatants : Mao, qui s’appelle ainsi parce que ses parents adoraient le Grand Timonier, a appelé son fils Barack parce qu’il trouvait M. Obama formidable. Barack est en couple avec une jeune fille, Robert, ainsi nommée parce que ses parents étaient en guerre contre le genre. Enfin, il y a Giuseppe, vieux dandy vivant dans une maison en forme de blockhaus à l’intérieur de laquelle il a recréé et conservé l’ancien monde, comme un des Esseintes du futur, qui refuse de recycler ses propres excréments. Mao a des ennuis : la « brigade rétroactive » a retrouvé une photo de lui, tout jeune, dans une piscine avec deux femmes aux seins nus. Une citoyenne anonyme l’a dénoncé, il va devoir être jugé. Car dans ce monde, « dénoncer n’est pas seulement un devoir, mais un acte de courage ». Le roman de Duteurtre est hilarant mais assez inquiétant : tout cela, est-ce si loin, ou si proche ?