« Dictionnaire amoureux de la Belle Époque et des Années folles » (Plon, 2022) de Benoît Duteurtre par Jean-Rémi BARLAND dans La Provence du mardi 6 septembre 2022

10 Aix-en-Provence Culture

Mardi 6 Septembre 2022

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La Belle époque racontée avec humour et bienveillance

Benoît Duteurtre sort un Dictionnaire amoureux de la Belle époque et des Années folles

« On pourrait très bien, note Benoît Duteurtre, écrire un Dictionnaire haineux de la Belle Époque et des Années folles. Facile à établir, l’index rassemblerait pêle-mêle : les crimes du colonialisme, le travail des enfants, la condition des femmes, l’esprit va-t-en-guerre, les nus pas très frais de la peinture pompier, le capitalisme débridé, l’atterrant comique du ‘pétomane’, l’affaire Dreyfus (même si elle se termine bien), l’assurance du bourgeois qui fait 10 ans de plus que son âge, croit tout ce que dit son journal et court après la bonne; sans oublier, pour l’entre-deux-guerres, le cynisme des nouveaux riches, les scandales financiers, la déliquescence politique, la résignation des démocraties face aux périls, et tant d’autres méfaits encore… ». Tout cela l’auteur dont on constate ici l’art d’établir avec un certain panache d’écriture un catalogue à la Prévert, ne l’ignore pas. Mais en construisant avec intelligence et subtilité son « Dictionnaire amoureux de la Belle époque et des Années folles « , Benoît Duteurtre prend le contre-pied de ce constat lucide, pour évoquer de fait l’autre versant des choses ; celui qui depuis ses jeunes années l’a enchanté, lui l’enfant du Havre (la ville de René Coty, et à ce sujet l’écrivain consacre des pages savoureuses sur les Présidents de la République), qui se rendait au musée municipal pour découvrir un feu d’artifice pictural rattaché aux artistes qui vivaient ici quelques générations plus tôt. Des toiles de Monet qui avait grandi au Havre, à celles de Dufy qui y avait appris son métier, tout comme ses amis Georges Braque ou Othon Friesz. Ainsi son livre est un hommage à des gens, des mouvements artistiques qu’il réunit dans un même élan bienveillant. Pas étonnant quand on sait que Benoît Duteurtre, romancier et producteur à France Musique a fait de son œuvre un long voyage dans la France qui s’éblouit avec parfois des haltes aixoises au Festival d’art lyrique ou chez les Écrivains du Sud dont il est régulièrement invité, et où il reçut le Grand Prix en 2009 en présence de Michel Déon et Paule Constant. Des écrivains nous en croisons une foultitude dans ce dictionnaire fleurissant de portraits savoureux: Alphonse Allais, Francis Carco, Jean Cocteau, Colette, Charles Cros, Colette, André Gide, Paul Léautaud, Stéphane Mallarmé, Marcel Pagnol, Jules Romains, ou Oscar Wilde ont leurs entrées par la grande porte narrative qui donne sur l’admiration. Mais la musique bien sûr y a sa bonne part avec des articles concernant Joséphine Baker, Maurice Chevalier, Duke Ellington, ou Gershwin, Satie, Stravinski associé à Picasso, Trenet et Franz Lehar. « Ma passion pour le début du XXe siècle s’est éveillée très jeune en écoutant Debussy, et Duke Ellington, en lisant Leblanc et Apollinaire, avant de découvrir Feydeau et Guitry » ajoute Benoît Duteurtre qui n’omet rien, ni personne d’important.

« Ta bouche » au Jeu de Paume L’opérette a également sa vedette ici en la personne de Maurice Yvain (1891-1965), maître parisien en la matière entre les deux guerres. Compositeur entre autres de « Ta bouche » créée sur un livret de Yves Mirande, et des paroles de Albert Willermetz, il nous apparaît ici flamboyant. Notons que cette opérette bien racontée par Benoît Duteurtre dans le numéro de « L’avant-scène Théâtre » numéro 1173 qui lui est consacrée fut jouée au Jeu de Paume d’Aix du 21 mars au 9 avril 2006. Une fête que ce spectacle comme ce dictionnaire non conventionnel.

Jean-Rémi BARLAND

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