Ma vie extraordinaire,
de Benoît Duteurtre,
Gallimard, 336 p., 20 €.
UNE VIE SIMPLE ET DENSE
« La vérité meurt jeune, » C’est par ces mots de Romain Gary qu’aurait pu commencer l’autobiographie de Benoît Duteurtre, Ma vie extraordinaire. Le romancier mélomane, homme de lettres, de radio et de doubles-croches, nous offre sur un plateau ses plus beaux souvenirs, des souvenirs ronds et chauds habités de personnages hauts en couleur comme on doute de pouvoir en recroiser de nos jours. On retrouve au fil des pages un oncle Albert jovial, courageux et modeste, résistant qui tait son héroïsme, casé avec sa cadette de vingt ans qui lui a sauvé la mise pendant la guerre, mais aussi Jean-Sébastien, le compagnon, avec une pudeur et une affection qui surprennent et réconfortent en ces temps de démonstration perpétuelle. L’auteur se perd avec bonheur vers les ballons vosgiens, les fermes, les odeurs d’étable, les goûts forts des produits de la terre et de la mamelle dans une langue claire et charnelle avant de déambuler dans les rues parisiennes et new-yorkaises de ses années folles en évoquant la nuit, les rencontres mondaines, la drogue, l’alcool, l’intensité de la vie qui, une poignée d’années plus tard, laisse un parfum évanescent. Regardant avec honnêteté son parcours d’écrivain, Duteurtre confie ses doutes, ses échecs (relatifs), ses débuts laborieux sans jamais se sublimer. Un travail d’introspection et de description factuelle de lui-même qui saisit, en comparaison du soin apporté aux détails pour les seconds rôles – qui lui raflent souvent la première place. Ce livre est une ode à l’amour qui ne le dit pas, une ode à la vie simple et ordinaire qui sort d’elle-même parfois, une ode à la bonne chère, au corps, à l’esprit, à la musique, aux hommes.
MARION MESSINA