Disons-le tout net, les autobiographies romanesques peuvent devenir ennuyeuses assez rapidement. Il faut un certain talent de conteur et tout bêtement d’écrivain pour emporter les lecteurs vers un monde à découvrir. C’est ce que fait avec brio Benoît Duteurtre depuis quelques années. Il a commencé son introspection avec « Les pieds dans l’eau ». Et depuis, le romancier ne cesse de nous étonner en nous racontant sa vie, les banalités de l’existence avec ses hauts et ses bas. Ma vie extraordinaire est dans la lignée des trois livres précédents.
On plonge avec délice dans l’histoire du jeune Benoît à la recherche du merveilleux. Et le merveilleux se trouve niché dans les montagnes des Vosges, auprès de l’oncle Albert, héros de la Résistance et de son épouse Rosemonde, également résistante.
Pour le jeune narrateur, les vacances dans les Vosges deviennent vitales avec des aventures qui se multiplient dans un paysage de rêve, un autre monde. Féru de musique classique, Benoît Duteurtre ne cesse de sortir de l’oubli des compositeurs ou des œuvres qu’il place au premier rang bien loin derrière ces faiseurs comme Pierre Boulez, poussé en avant par l’intelligentsia parisienne. Intéressant d’ailleurs ce passage sur Boulez et la manière dont l’élite porte cet homme au sommet d’un art comme pour mieux se rassurer sur ce qui est moderne ou pas.
Au fond, ce sont les rencontres qui sont passionnantes dans ce livre. Benoît Duteurtre ne manque pas de mettre à l’honneur un romancier extraordinaire tombé dans l’oubli. J’ai nommé Marcel Schneider qui fut également président du Prix Médicis avant de passer le relais à un autre ogre, Jacques Chessex. Et c’est vrai qu’il y a du Marcel Schneider dans ce roman de Benoît Duteurtre.
L’écrivain parle également de l’homosexualité et sa manière de l’aborder est intéressante… même si sa vision est loin de faire l’unanimité puisqu’il explique : « L’hétérosexualité constitue bel et bien la norme et l’homosexualité est un écart. »
Entre journalisme, écriture et musique, Benoît Duteurtre est à la source même de l’humanité. Avec « Ma vie extraordinaire », il nous ramène vers l’essence de la vie avec sa part d’incertitude, de vide et de plein. Il nous montre, s’il en était encore besoin, que notre enfance nous marque à jamais et conditionne notre vie d’adulte. Il nous montre aussi l’importance de tous ces êtres que nous croisons au hasard de notre existence et qui, à un certain moment, nous donne envie.
Pascal Hébert