Carte blanche
« HONTE ET FIERTÉ FRANÇAISES »
PAR BENOÎT DUTEURTRE
En 1947, bien avant la fin de la ségrégation aux États-Unis, le président du Conseil de la République (prédécesseur du Sénat), second personnage de la République française, était Gaston Monnerville, un homme noir originaire de Guyane. Dix ans plus tôt, en 1937, sa nomination comme secrétaire d’État avait suscité l’indignation de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste. Jusqu’aux années 1980, il allait jouer un rôle central dans la vie politique. Il n’était pas le seul, la IV République comptait d’autres illustres députés et ministres africains: tels l’écrivain Léopold Sédar Senghor, élu plus tard à l’Académie française, et Félix Houphouët-Boigny, qui allaient poursuivre leurs brillantes carrières après la décolonisation : l’un comme président du Sénégal, l’autre de la Côte d’Ivoire. Pis encore: cette abominable France raciste et criminelle qui, selon Virginie Despentes, n’a jamais eu de ministres noirs était aussi le séjour préféré de nombreux musiciens américains qui aimaient l’air de Paris: parce qu’ils y étaient accueillis en artistes, sans avoir à subir les traitements humiliants que leur réservait la vie quotidienne outre-Atlantique. Joséphine Baker avait donné le ton dès 1925 dans la Revue nègre dont le titre, aujourd’hui, semble peut-être insupportable, mais qui célébrait tout ce pan de l’humanité qu’on découvrait à travers l’art africain et le jazz (le premier livre sérieux sur cette musique fut écrit en France par le musicologue André Schaeffner). Louis Armstrong, Duke Ellington, Count Basie et plus encore Sidney Bechet allaient, eux aussi, nouer une relation privilégiée avec notre pays, tandis que Miles Davis, à Saint-Germain-des-Prés, filait le parfait amour avec Juliette Gréco. Et il faudrait ajouter à la liste tous ces ethnologues, savants, intellectuels qui, dans le sillage du colonialisme, et malgré les fautes de celui-ci, étudiaient passionnément les cultures africaines ou indochinoises et, parfois même, fournissaient aux jeunes colonisés les outils qui les aideraient à s’affranchir du joug.
Voilà des chapitres d’histoire que la France pourrait mettre en avant pour rappeler sa position de pointe dans la lutte contre l’esclavagisme (depuis la Révolution) et contre toute forme de ségrégation liée à l’origine ou à la couleur de peau. Malheureusement, nos élites, de moins en moins cultivées et de plus en plus soumises aux références états-uniennes distillées à longueur de temps par le « soft-power », croient plus urgent d’implanter partout des « place Rosa-Parks » ou des « square Martin-Luther-King » qui s’ajoutent aux boulevards Nelson Mandela et finissent par donner l’impression que la ségrégation et l’apartheid constituent des chapitres de notre histoire.
Ces personnalités sont, certes, admirables; mais imagine-t-on, au Texas, des places glorifiant partout les résistants français ?
À force de commémorer à chaque coin de rue, et plus encore dans les quartiers « sensibles », les héros de la lutte américaine pour les droits civiques, on entretient, auprès des jeunes générations, l’idée que la France se confond avec les États-Unis et que l’acte de Rosa Parks dans son autobus, en 1955, serait fondamental ici même… alors qu’il n’existait aucune forme de ségrégation dans les transports français. On en vient aussi à croire – sous le feu d’associations militantes cultivant la haine et le ressentiment – que la France aurait un temps de retard sur les États-Unis de Barack Obama… quand notre démocratie fut la première à faire entrer les Noirs en politique.
Par la suite, malheureusement, l’urbanisme catastrophique des Trente Glorieuses et d’autres facteurs ont pu donner l’apparence d’une séparation raciale à la réalité d’une séparation sociale, favorisant l’essor d’une pensée communautariste et désormais « décoloniale » qui n’aspire qu’à importer les termes du débat nord-américain. Sourde à la complexité de l’histoire, elle entend pénaliser un passé dont on se demande jusqu’où il doit remonter (aux conquêtes napoléoniennes ? à l’Empire romain ?). Quant à moi, je n’aime guère qu’on débaptise les places. Ou alors faisons-le d’une autre façon: en laissant Martin Luther King et Rosa Parks à leur pays, et en multipliant les boulevards Monnerville, les avenues Senghor, les jardins Joséphine-Baker, les rues Sidney-Bechet, les places Chevalier-de-Saint-Georges, les squares Miles Davis et Juliette-Gréco!
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L’américanisation des esprits frappe tout le monde, noirs ou blancs.
L’élite qui penche à « gôche » entretient un discours anti-raciste victimaire racialiste qui masque un complexe de supériorité mal digéré. J’ai connu une noire Africaine que les blancs prenaient pour la nounou de sa propre fille métisse, ainsi qu’une Algérienne bac+7 que ses amies Françaises félicitaient pour sa non ressemblance à une arabe mais à une des leurs !.
Néanmoins les noirs de banlieue ne sont pas plus pauvres que beaucoup de blancs du fin fond des campagnes qui ne taguent pas leurs murs. L’architecture urbaine a bon dos, quand on sabote son environnement, l’architecte n’y est pour rien, aussi mal inspiré soit-il.
Les personnalités noires citées en exemple sont pour la plupart des artistes géniaux, leur couleur de peau redevient alors un marqueur positif, ce qui est encore une forme de racisme inversé comme pour Joséphine Baker à la popularité douteuse selon certains (des ronchons martiens sûrement).
Obama, métis, n’est pas plus noir que blanc mais tout le monde le dit noir. Dans les inconscients formatés par l’histoire: Etre à moitié blanc, ce n’est pas encore être un blanc véritable digne de ce nom, tandis qu’être à moitié noir c’est déjà l’être. Autant dire qu’on en a encore pour quelques millénaires pour reformater les inconscients à l’égalité. En attendant, les jaunes sur le podium comptent les points et rigolent bien de leur coté…