LITTÉRATURE Un roman pour le week-end : « Ma vie extraordinaire » de Benoît Duteurtre EDITION N°3493 – L’Opinion PARU LE 13/03/2021 – ECRIT PAR CHRISTIAN AUTHIER

LITTÉRATURE

Un roman pour le week-end : Ma vie extraordinaire de Benoît Duteurtre

EDITION N°3493 – PARU LE 13/03/2021 – ECRIT PAR CHRISTIAN AUTHIER

© Francesca Mantovani / Gallimard

L’auteur du Voyage en France, prix Médicis 2001, rassemble la chronique de ses enchantements dans un roman autobiographique mêlant les genres.

A soixante-et-un ans, et malgré son éternelle allure juvénile, Benoît Duteurtre a l’âge des premiers bilans. C’est d’ailleurs l’une des ambitions de son nouveau livre qui tente «d’appréhender ce que fut réellement ma vie, de vingt ans à soixante ans, durant cette longue traversée qui a suivi mon apprentissage et précédé ma vieillesse». Dans le sillage de Livre pour adultesLes Pieds dans l’eau et L’Eté 76, l’écrivain prolonge sa veine autobiographique en partant à la recherche de «quelques fils, quelques détails, voire certaines obsessions qui redonnent chair à ces quarante années».

La poésie, l’aventure et le merveilleux

En réalité, la focale est encore plus large puisque l’enfance n’est pas oubliée ici, notamment à travers l’histoire d’oncle Albert et de tante Rosemonde qui sont le véritable fil rouge de Ma vie extraordinaire. En leur compagnie, le jeune garçon découvrit au cœur des Vosges «la liberté des vacances dans cette montagne où ils avaient choisi de vivre ; mais aussi cette liberté qu’ils incarnaient par leur histoire personnelle». En effet, Albert et Rosemonde s’étaient rencontrés dans la clandestinité en 1942 et elle sauva de la Gestapo cet homme, âgé de dix-huit ans de plus qu’elle, alors marié et dont l’épouse mourut à Bergen-Belsen. Fervent gaulliste, Albert apprit à son petit-neveu «à aimer un pays, son style et son histoire». De cette enfance, Duteurtre confesse avoir conservé  «une source de réconfort», «la présence toute proche de la poésie, de l’aventure et du merveilleux.»

Cet enchantement traverse les pages d’un livre qui retrace un parcours tout en célébrant des lieux (Paris, la Normandie, New York, les Vosges donc) et en dressant les portraits d’amis (illustres ou inconnus) ou de personnages hauts en couleurs parmi lesquels des vieux musiciens et des compositeurs oubliés. Les lecteurs de Requiem pour une avant-garde (essai dans lequel Duteurtre déboulonnait à travers Pierre Boulez un nouvel académisme arborant les habits d’une pseudo- modernité) ou de La Mort de Fernand Ochsé ne seront pas surpris par la place de la musique. Pas plus que ceux de Gaieté parisienne (satire romanesque d’un certain milieu gay parisien) par le rejet des prisons identitaires dont celle de la sexualité qui intime aux individus à rejoindre les rangs d’une communauté censée former un seul bloc, quitte à endosser uniformes et caricatures.

Le mouvement de la vie

D’où vient que l’on lise avec passion et plaisir cette manière d’autobiographie dont le titre pourrait laisser craindre un exercice narcissique de contentement de soi ? Tout simplement grâce au style et à la forme de ce «roman» d’un genre spécial «comportant une part d’imagination, mais pouvant jouer sur différents registres, y compris les souvenirs, l’histoire ou encore l’essai.» Sans rien renier du regard acide que portent sur la modernité ses romans proches du conte ou lorgnant sur l’anticipation, sans sacrifier «leur parfum de nostalgie et le miroir qu’ils offrent de la société française au temps de la mondialisation», l’auteur de La Cité heureuse a peut-être trouvé ici sa meilleure voie, du moins sa plus complète et sa plus poignante, à l’instar des pages consacrées à celui qui partage sa vie et au sentiment de finitude.

Ma vie extraordinaire mêle ainsi toutes les inspirations, nous invite à partager «un itinéraire plein de surprises, de parfums, de souvenirs, de lieux, de figures, de correspondances, de combats et de défaites ; un itinéraire qui s’apparente au mouvement de la vie et qui, en même temps, l’éclaire en donnant à ces moments perdus un sens moins inutile que le fait de vivre et de mourir.»

Ma vie extraordinaire, Gallimard, 336 p.

Modifié le 12/03/2021

Source : https://lopinion.com/articles/litterature/8360_un-roman-pour-le-week-end-ma-vie-extraordinaire-de-benoit-duteurtre.html

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  1. Dans son journal, le 09 septembre 1998, Richard Millet notait déjà: « Je serre la main du fantomatique Houellebecq, puis celle de Duteurtre, immanquablement souriant. »
    Et dire qu’il suffirait que Benoît tire la tronche comme Michel pour qu’on achète le dernier Duteurtre comme on achète le dernier Houellebecq, dans ce pays de dépressifs où l’on croit que faire la tronche rend plus intelligent.

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