« L’Hôtel-Dieu aussi doit être préservé! » – Benoît Duteurtre par Guillaume Perrault dans Le Figaro du 15 avril 2020

mercredi 15 avril 2020 LE FIGARO

22. SOCIÉTÉ

« L’Hôtel-Dieu aussi doit être préservé!»

GUILLAUME PERRAULT Y @GuilPerrault

 

SOLLICITÉ par Le Figaro, Benoît Duteurtre*, fin connaisseur de Paris, explique le lien organique entre Notre-Dame et l’Hôtel-Dieu depuis le Moyen Âge. « La proximité de la cathédrale et de l’hôpital est un symbole : comme s’il fallait à la fois soigner les corps et réconforter les âmes au cœur de la ville. Elle nous rappelle que l’île de la Cité n’est pas une plateforme touristique mais un lieu d’activités humaines où se sont longtemps mêlés les administrations, les soins, l’art et la prière, souligne l’écrivain. Le départ des services de police et de justice bouscule aujourd’hui cet équilibre. Ce n’est pas une raison pour tourner intégralement ce quartier vers le tourisme, quand on pourrait défendre sa vocation hospitalière, aménager des logements ou protéger certains lieux de la vie parisienne comme le marché aux fleurs et aux oiseaux. » Qu’en est-il de l’intérêt patrimonial de l’Hôtel-Dieu ? « Le bâtiment de l’Hôtel-Dieu est d’apparence assez austère, concède Benoît Duteurtre, mais c’est un pur exemple de l’architecture hospitalière du XIXe siècle avec son plan aéré, sa structure en « double peigne” et ses cours arborées que la très verte mairie de Paris devrait protéger !»

 

P. NORMAND/LEEMAGE

« La proximité de la cathédrale et de l’hôpital est un symbole»

BENOÎT DUTEURTRE

 

 

 

 

Et l’écrivain de poursuivre : « Dans le contexte de pandémie et de saturation hospitalière, je me désole chaque jour en voyant, devant chez moi, ces ailes entières inoccupées. Au début j’ai cru naïvement qu’ils allaient tout remettre en activité. Il n’en a rien été. Martin Hirsch, directeur de l’AP-HP, a expliqué que les “circuits de fluides” (air et oxygène) n’étaient plus fonctionnels, d’où l’impossibilité de rouvrir les services. Les syndicats de soignants ont parlé de mensonge et rétorqué que ces équipements étaient opérationnels, ce qui semblerait moins lourd que d’organiser des TGV sanitaires. C’est aussi le point de vue des urgentistes comme Patrick Peloux ».

Enfin l’écrivain recommande de préserver l’intégrité de l’Hôtel-Dieu, alors qu’un projet immobilier le concernant suscite une vive controverse. « Malheureusement la politique parisienne, depuis des années, consiste à réduire l’offre hospitalière (au contraire de ce qu’a fait l’Allemagne : on voit le résultat). L’Hôtel-Dieu figure depuis longtemps sur la liste comme l’a montré, récemment, la cession d’un tiers de l’hôpital à un promoteur pour aménager des start-up, des commerces ou un restaurant donnant sur Notre-Dame », se navre l’auteur.

« Le reste des bâtiments doit être reconverti en accueil d’urgences (mais non en vraies urgences appuyées sur un hôpital), centre de consultations et pôle de recherche. C’est pourquoi, malgré la crise sanitaire, on peut supposer que l’AP-HP préférerait éviter une reprise d’activités susceptible de remettre en cause ce chantier, argumente Benoît Duteurtre. Quant à la construction de bâtiments modernes à l’intérieur des cours, la Commission du Vieux Paris a parlé de « massacre architectural »». Pis encore, l’activité médicale va se concentrer dans une rue peuplée et commerçante, mal adaptée à la circulation. L’autre côté de l’hôpital est nettement plus accessible pour les urgences ; mais celles-ci n’ont pas leur place dans le circuit touristique reliant le marché aux fleurs « rénové » au parvis de Notre-Dame, selon le projet présenté fin 2016 par l’architecte Dominique Perrault. » Et l’écrivain de conclure: « C’est tout le contraire qui s’impose à présent : rendre à l’Hôtel-Dieu sa vocation hospitalière. »

*Auteur des «Dents de la maire. Souffrances d’un piéton de Paris » (Fayard, 192 p., 18 €).

 

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Une réflexion sur “« L’Hôtel-Dieu aussi doit être préservé! » – Benoît Duteurtre par Guillaume Perrault dans Le Figaro du 15 avril 2020”

  1. Bonjour Mr Benoît. Ravi de constater que les héritiers de l’art et de l’Histoire n’ont pas encore été happés par la spirale du «rentabilisme»

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