« Morale de microbe » – Carte blanche à Benoît Duteurtre dans Marianne n°1205 du 17 au 23 avril 2020.

Carte blanche

« MORALE DE MICROBE »

PAR BENOÎT DUTEURTRE

Ultrastructural morphology exhibited by coronaviruses, the spikes that adorn the outer surface of the virus, which impart the look of a corona surrounding the virion, when viewed electron microscopically, this coronavirus, named Severe Acute Respiratory Syndrome coronavirus 2 (SARS-CoV-2), was identified as the cause of an outbreak of respiratory illness first detected in Wuhan, China in 2019, the illness caused by this virus has been named coronavirus disease 2019 (COVID-19).<br /> CDC-VOISIN / PHANIE

« Ils n’ont pas forcément raison, mais le coronavirus, lui, s’attaque à la qualité de l’alimentation et à ceux qui font le relais entre l’agriculture et le consommateur. »

Pour une fois, je suis d’accord avec Anne Hidalgo. Voilà des semaines que, sortant du confinement pour acheter de la nourriture, je pestais contre les joggeurs qui vous soufflent sur le visage quand on a le malheur de les croiser. Peu leur importe le virus pourvu qu’ils entretiennent leur petite santé, casque sur les oreilles et compteur cardiaque en main. Ce faisant, ils ignorent les avantages de la marche, bienfaisante pour le corps comme pour l’esprit. Alors, merci Anne!

LES JOGGEURS RESTENT AU GARAGE

 

Désormais, les joggeurs restent au garage de 10 heures à 19 heures. Ils se sont ajoutés à ma liste des raisons de ne pas aimer le coronavirus, et je voudrais en mentionner plusieurs autres qui renforcent ma hargne envers cette sale petite bête curieusement conformiste par certains aspects:

  • Le Covid-19 touche plus violemment les hommes, qui représentent 70% des victimes de cas graves. Comme s’il voulait donner le coup de grâce aux anciens maîtres du monde. L’homme est pervers, dominateur, il est responsable des guerres et autres malheurs de l’humanité, il passe le plus clair de son temps à harceler les femmes: de tout cela, il n’aura jamais fini de s’excuser. C’est pourquoi ce virus semble décidé à lui faire la peau;
  • Il s’attaque aux personnes âgées, aux « vieux », comme on ne dit plus dans une société qui a fait du jeunisme son pain quotidien. Quand le monde ne parle que de changement et de mouvement, que chacun s’efforce d’être branché et que les villes se sont transformées en pistes arpentées par des néo-ados à roulettes, la place est mince pour ceux qui représentent le passé. Et le virus n’a aucun scrupule à les viser en priorité;
  • ll favorise la grande distribution contre le petit commerce. Et, certes, ils paraissent difficiles à contrôler, ces étals de fruits et légumes, de fromage ou de poisson qui rendent les marchés si plaisants. Les gens se sentent mieux protégés dans les allées aux odeurs de désinfectants où s’alignent les produits conditionnés.

Ils n’ont pas forcément raison, mais le coronavirus, lui, s’attaque à la qualité de l’alimentation et à ceux qui font le relais entre l’agriculture et le consommateur.

Je pourrais ajouter que le Covid-19 nous éloigne les uns des autres, qu’il s’acharne sur les gros comme si nous devions tous être sveltes et sportifs, qu’il attise en certaines régions un antiparisianisme peu sympathique en ces temps de crise (pendant la Seconde Guerre mondiale, les familles accueillaient leurs proches aux champs). Je pourrais aussi m’étonner, seule légère contradiction, que l’épidémie semble épargner les fumeurs, qui, pour une fois, ne figurent pas en tête des personnes à risques!

Pourquoi ce traitement préventif ne pourrait-il être prescrit, comme dans certains pays, par simple accord du médecin et de son patient ?

Mais je voudrais souligner, pour finir, que cette maladie, après avoir remis au premier plan l’échelle nationale (seule à exister dans une telle situation de crise), nourrit également les défauts de l’étatisme français: comme ce droit de tout interdire et de tout réglementer jusqu’à l’excès, même de marcher sur une plage (on se demande un peu pourquoi, sauf dans une logique de punition). Cette autorité s’est manifestée, on le sait, à propos d’un médicament pourtant recommandé par nombre de sommités médicales. Des centaines de morts, jour après jour, n’y ont rien changé: tant que le pouvoir et ses experts ne l’ont pas décidé, impossible d’utiliser le « protocole Raoult » dans les conditions recommandées par son promoteur. Pourquoi ce traitement préventif ne pourrait-il être prescrit, comme dans certains pays, par simple accord du médecin et de son patient? Pourquoi limiter soudain, au nom des principes, l’utilisation d’une substance utilisée depuis cinquante ans sans avoir produit de catastrophe notoire ? Quels que soient les résultats – et on espère qu’ils seront bons-, un président de la République attaché à la rhétorique guerrière devrait se souvenir qu’il existe aussi une médecine de guerre, rapide à s’engager pour sauver le maximum de vies sans toujours s’en tenir aux procédures usuelles en temps de paix! Ce sont aussi de tels choix qui caractérisent un homme d’Etat.

 

 

 

 

Carte blanche précédente : « Je n’avais pas prévu…» par Benoît Duteurtre dans Marianne n°1203 du 03 au 09 avril 2020.

Carte blanche suivante : « Une soirée en 2021 » par Benoît Duteurtre dans Marianne n°1207 du 1er au 7 mai 2020.

Lire aussi :

À (ré)écouter : « Grand bien vous fasse » par Ali Rebeihi – La personnalité du jour, son regard sur le confinement avec Benoît Duteurtre sur France Inter le 8 mai 2020.

Une réflexion sur “« Morale de microbe » – Carte blanche à Benoît Duteurtre dans Marianne n°1205 du 17 au 23 avril 2020.”

  1. Merci Benoît pour cette moral/e microbienne fidèle à ta juste plume critique de ce monde si conformiste. Vénération des chiffres au mépris de l’expérience, des statistiques au détriment des vivants et au nom de la science !

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