« Le retour des fesses » – Carte blanche à Benoît Duteurtre dans Marianne n°1211 du 29 mai au 4 juin 2020

Carte blanche

« LE RETOUR DES FESSES »

PAR BENOÎT DUTEURTRE

 

Polanski, Giscard, Asselineau…

La crise sanitaire nous avait délivrés du dossier Polanski, cette interminable affaire entretenant la confusion entre l’homme et l’artiste. Les choses semblaient retrouver leurs justes proportions depuis qu’une vraie pandémie rendait dérisoire cette contagion médiatique visant le réalisateur de J’accuse. Mais à peine le confinement est-il achevé que, déjà, la passion des affaires sexuelles reprend le dessus, quitte à monter en épingle le plus minuscule harcèlement supposé. On avait déjà noté avec le drame d’Outreau la capacité de ceux qui nous informent à relayer avec sérieux des affirmations délirantes – quitte à briser la vie des accusés sans aucun scrupule. Nous voici désormais dans le registre du grotesque, comme en témoignent les premières « affaires » du monde d’après.

L’une concerne Valéry Giscard d’Estaing et fut lancée le 6 mai par les chaînes d’information en continu, puis reprise partout sur un ton de gravité qui atteste la crainte de prendre à la légère une possible violence faite aux femmes. Pensez donc: une journaliste allemande venue interviewer l’ancien chef de l’État (qui a eu l’amabilité de la recevoir à 90 ans passés) s’avise soudain, un an et demi plus tard, que la main présidentielle se serait égarée sur ses fesses pendant la photo. Ce postérieur fut-il effleuré par vice ou par hasard? Giscard dit n’en avoir aucun souvenir. Admettons toutefois qu’Ann-Kathrin Stracke ait éprouvé une impression désagréable et qu’il faille déplorer les faiblesses du grand âge (comme je l’avais déjà fait pour le cardinal peloteur de la Mairie de Paris, qui ne me semblait pas un grand criminel). Deux points me paraissent toutefois choquants: 1°) que nombre de médias jugent bon d’en faire une information au lieu de laisser dans l’ombre une si mince et hypothétique turpitude; 2°) que cette tardive dénonciation débouche sur une « enquête pour agression sexuelle ». Je me demande d’ailleurs, vu l’empressement des chiens de l’information à se jeter sur cet os, s’ils ne pointent pas aussi – plus ou moins consciemment – l’arrogance aristo du vieux président qui devait le conduire à de tels actes, rappelant les libertinages du XVIIIe siècle, désormais réduits à leur version minimale!

Lancée presque au même moment par plusieurs grands journaux, l’affaire qui vise François Asselineau est du même tonneau, puisqu’on voit surgir un ex-« chauffeur-attaché de presse » qui accuse de harcèlement le très sérieux président de l’UPR. Il lui reproche, tenez-vous bien, de lui avoir « caressé la main », mais aussi de l’avoir observé « en train de faire sa toilette, par une fenêtre donnant sur sa salle de bains », et enfin d’avoir « essayé de l’embrasser alors qu’il dormait sur le siège du passager ». On frémit, quand bien même le suspect ne semble pas être parvenu à ses fins. Asselineau s’en défend d’ailleurs comme il convient:en continuant à mener son combat politique et en opposant à cette médiocre intrigue l’hypothèse d’une manipulation.

Quant à moi, je relève encore deux procédés douteux: 1°) le fait (désormais habituel) de lancer des accusations sur la place publique, incluant des tweets et autres messages personnels qui devraient le rester, sauf si l’affaire donne lieu à un jugement;2°) la réaction moutonnière de certains membres de l’UPR, affolés par le tribunal de l’opinion, au point de demander la démission de leur chef. Je rappelle qu’Asselineau, excellent pédagogue dont les conférences sur l’Europe se dévorent sur Internet, est souvent dédaigné par les médias institutionnels, peu nombreux à relayer ses réflexions. Soudain voici le champion du Frexit à la une pour une affaire censée ternir son image. Il occupe les titres du Figaro comme de Libération, mais en qualité de délinquant sexuel. Quelles qu’en soient les raisons, il fait les frais de cette confusion qui consiste à mettre sur la place publique les accusations de toute victime présumée, à prêter au moindre « comportement inapproprié » un caractère criminel, et à lancer ainsi de ridicules chasses à l’homme pour occuper nos loisirs déconfinés !

Carte blanche précédente : « Punitions » par Benoît Duteurtre dans Marianne n°1209 du 15 au 21 mai 2020

Carte blanche suivante : « Causes indéfendables » par Benoît Duteurtre dans Marianne n°1213 du 12 au 18 juin 2020

Une réflexion sur “« Le retour des fesses » – Carte blanche à Benoît Duteurtre dans Marianne n°1211 du 29 mai au 4 juin 2020”

  1. Bien que ce soit flatteur pour un nonagénaire de pouvoir encore passer pour un prédateur sexuel potentiel on reste saisi d’effroi face aux décennies de thérapie psychanalytique qui attendent Ann-Kathrin pour tenter de lui faire retrouver un peu de la joie de vivre qui était la sienne avant son traumatisme.
    Par ailleurs les adhérents UPR ne méritent pas leur chef dont l’électorat féminin va encore s’amoindrir. Dans un sens comme dans l’autre, les femmes sont toujours lésées.

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